AIDS 2012: Last but certainly not leastAIDS 2012: Last but certainly not least

washington3_cplus.jpg

La salle était pleine lors de la première session plénière de la XIXème conférence internationale sur le sida, à Washington. Les participants, nombreux à être assis par terre puisque toutes les chaises étaient prises, ont eu le plaisir d’entendre, 2 heures durant, le docteur Anthony Fauci du NIH, introduit par Françoise Barré-Sinoussi ; Phil Wilson, le président du Black AIDS Institute et…Hillary Clinton, venue combler l’absence d’Obama, qui ne s’est pas déplacé pour la session d’ouverture, la veille, en pleine campagne électorale.

Mais quid de la troisième intervenante du jour, docteur Sheila Tlou, directrice de l’équipe ONUSIDA d’appui aux pays d’Afrique Orientale et Australe et Personnalité Eminente des Nations Unies pour les Femmes, Filles et le VIH/ sida en Afrique Australe ? Quid de la seule intervenante de la matinée venant du sud, ancienne ministre de la santé du Botswana, un des pays les plus touchés au monde par la pandémie (plus d’une personne sur cinq) ? Quid du témoignage d’une femme qui a mis en place dans son pays, un programme réussi de prévention, traitement et prise en charge du VIH/sida à l’échelle d’une population entière dans un pays d’Afrique où 80% des patients au stade sida ont aujourd’hui accès à un traitement ARV et où la transmission mère-enfant a été ramenée à moins de 5% en 4 ans ?


Elle était là, pourtant, comme prévu. Elle s’est levée, à 10h35, devant une salle aux trois quarts vide, introduite par Margaret Chan -présidente de l’OMS- dans l’indifférence totale et au milieu d’un brouhaha de salle qui se vide. Et Mme Tlou a commencé par s’excuser d’avoir la parole avec une heure de retard, comme si c’était sa faute. Puis elle a chanté, une prière en hommage à tous ceux qui vivent ou meurent avec le VIH dans leur vie. Moment extraordinaire de courage de cette femme fière qui chante a capella, faisant naitre des sourires amusés et surpris sur les quelques visages encore présents.

Enfin, elle a parlé. Elle n’a pas parlé avec l’assurance d’un scientifique qui explique les dernières découvertes permettant la fin théorique du sida. Elle n’a pas parlé non plus de la fin du sida aux Etats-Unis. Et elle n’a pas parlé d’une « AIDS-free generation » grâce aux millions de dollars promis par le gouvernement américain. Mais elle a parlé des dernières recommandations de l’OMS sur la transmission mère-enfant, qui proposent de mettre les femmes enceintes ayant plus de 350 CD4 sous traitement temporaire (grossesse et accouchement : option A ou grossesse, accouchement et allaitement : option B ; et ce à chaque nouvelle grossesse) si les gouvernements sont dans l’impossibilité financière d’assurer une tri-thérapie à vie (option B+). Elle a plaidé pour l’option B+, qui permet à l’enfant de naître sans VIH, et de ne pas devenir orphelin, considérant qu’aucun pays ou aucune femme ne devraient accepter les options A ou B et affirmant « If men were getting pregnant we wouldn’t wonder about cost of option B+ ».

Pour Mme Tlou, les femmes, mais aussi les jeunes, ont le droit d’avoir une sexualité et d’éprouver du plaisir quand et comme bon leur semble en pouvant se protéger du sida. Elle regrette l’utilisation du terme planning familial et elle va au-delà : si la santé sexuelle et reproductive est la base de la base, la liberté sexuelle ne devrait pas être soumise à une planification. Ce devrait être une vraie liberté.

A ses yeux, enfin, « Africa is owning the epidemic ». Prenant l’exemple de son pays, elle a rappelé que les africains n’ont pas besoin de la bénédiction du PEPFAR pour s’approprier la lutte contre la maladie, pour acheter des préservatifs et les distribuer. Chaque pays africain doit connaitre sa propre épidémie du sida, identifier qui est à risque de nouvelles infections et lutter pour les combattre. Chaque africain doit avoir accès aux médicaments: après tout, Mme Tlou rappelle que ce sont les africains qui les testent aujourd’hui, c’est chez eux que se déroulent actuellement la plupart des grands essais scientifiques qui font avancer les connaissances sur le VIH/sida.

Et pour les mauvais esprits qui diraient que les succès du Botswana sont uniquement dus à ses ressources financières, ce minuscule pays n’a pas de mérite pour avoir du diamant : la gigantesque République Démocratique du Congo a bien plus de ressources encore. Non, le mérite du Botswana, d’après Mme Tlou, vient de son courage politique. Zéro tolérance envers la corruption, réelle indépendance par rapport aux pays du nord, exploitation propre de ses ressources, confiance et leadership : voilà les moyens d’atteindre les «trois zéros» en Afrique.

Il va sans dire que ce discours franc et réaliste faisait du bien et apportait du concret. Dommage qu’Hillary ait volé la vedette -et le créneau horaire- de Sheila Tlou et que les impératifs et intérêts multiples de la majorité des participants à la plénière ne leur aient pas permis de rester suffisamment longtemps pour y assister.

Auteur: Maëlle de Seze, de Coalition PLUS, à Washington

PARTAGER