Combattre l’homophobie pour vaincre le sida : une urgence !

En Afrique comme dans de nombreuses régions du monde, l’homophobie fait des ravages et a pour effet pervers d’entraver l’accès au dépistage du VIH et aux traitements antirétroviraux. Au Cameroun, la situation est particulièrement inquiétante : près de la moitié de la communauté gay est infectée au VIH et les violences LGBTI s’aggravent comme le démontre le Rapport annuel 2018 « Ignorance ». A l’occasion du 17 mai, Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie, nous rappelons qu’il est urgent d’agir en augmentant les financements internationaux alloués à la défense des droits des personnes LGBTI et à leur santé.

« On ne veut pas le diable à la maison », « je vais te tuer si t’arrêtes pas tes pratiques sataniques », « on va en finir avec toi, on veut pas de pédés dans le quartier », « à l’hôpital, on soigne les malades pas les homosexuels ! » Ces paroles homophobes d’une violence extrême ont été rapportées par les victimes elles-mêmes, puis vérifiées et analysées par des associations camerounaises de lutte contre le sida, Humanity First Cameroon et Alternatives Cameroun, qui publient chaque année depuis 2014 un rapport sur les violences et les violations des droits des minorités sexuelles dans leur pays.

Or, dans cet Etat africain qui criminalise l’homosexualité [1], le Rapport 2018 [2] est particulièrement alarmant. 1 134 cas de violences et violations de droits des LGBTI ont été répertoriées contre 578 en 2017 : 3 assassinats, 204 cas de violences physiques, 152 discours de haine, 198 extorsions, arnaques ou chantages, 60 arrestations et détentions arbitraires.

« Bien qu’elles soient perçues comme banales dans la société camerounaise, ces violences sont inacceptables non seulement au nom de la sécurité des personnes et du respect des droits humains mais aussi dans un souci de santé publique », s’indignent Jean-Paul Enama, Directeur exécutif de Humanity First Cameroon et Franz Mananga d’Alternatives Cameroun.

En effet, ces violences poussent les personnes LGBTI dans la clandestinité et les empêchent d’accéder aux services de prévention et de soins dont elles ont besoin. Résultat, 37,2% des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes au Cameroun vivent avec le VIH [3]. A Yaoundé, la capitale, le taux de prévalence du VIH chez les HSH grimpe à 44,3% [4]. Selon les données disponibles, c’est la communauté gay la plus touchée au monde après les Mauritaniens (44,4%) et les Sénégalais (41,9%) [5].

Mais le sida n’est pas une fatalité même pour ces populations extrêmement vulnérables. Aujourd’hui nous savons que la mise en place de services de santé sexuelle adaptés aux besoins des communautés LGBTI et à leurs réalités de vie permettent de faire reculer l’épidémie. L’ONUSIDA estime d’ailleurs que 16 millions d’hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes en auraient besoin au niveau mondial dans l’objectif de mettre fin au sida d’ici à 2030.

Aussi, nous, Coalition PLUS, Alliance globale des communautés pour la santé et les droits (AGCS PLUS), Humanity First Cameroon et Alternatives Cameroun, appelons à une hausse des financements internationaux contre le VIH/sida à l’occasion de la Conférence de reconstitution des ressources du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme qui se tiendra à Lyon le 10 octobre prochain. L’objectif est de lever au moins 14 milliards de dollars pour soutenir la riposte mondiale non seulement contre le sida mais aussi contre la tuberculose et le paludisme sur les trois prochaines années (2020-2022) [6].

« Nos espoirs reposent sur le Fonds mondial, la seule institution internationale qui finance l’accès à la prévention, aux soins et aux droits pour les populations les plus vulnérables au sida,même dans les pays où elles sont criminalisées. On ne pourra pas développer ces programmes indispensables pour en finir avec l’épidémie sans financements supplémentaires », alerte Hakima Himmich, Présidente de Coalition PLUS.

A PROPOS

A propos du 17 mai. Depuis 2005, la Journée internationale de lutte contre l’homophobie et la transphobie (IDAHOT) se déroule chaque 17 mai, en référence au retrait le 17 mai 1990 de l’homosexualité de la liste des maladies mentales éditée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

A propos de Coalition PLUS. Créée en 2008, Coalition PLUS est un réseau international d’associations de lutte contre le VIH et les hépatites engagées dans l’atteinte des objectifs fixés par l’ONU. En impliquant pleinement les communautés les plus vulnérables au VIH/sida et aux hépatites, Coalition PLUS intervient dans 40 pays et auprès d’une centaine d’organisations. Ses valeurs : respect de la diversité et du non-jugement, solidarité, innovation.

A propos de l’Alliance globale des communautés pour la santé et les droits (AGCS PLUS). Au sein de Coalition PLUS, l’Alliance globale des communautés pour la santé et les droits (AGCS PLUS) regroupe des associations identitaires basées en Afrique luttant contre le VIH.

A propos de Humanity First Cameroon. C’est une association camerounaise, basée à Yaoundé, de lutte contre les IST, le VIH/Sida, de promotion et de protection des droits humains dans leur intégralité qui travaille prioritairement pour les minorités sexuelles victimes d’exclusions sociales et discriminées sur la base de leur orientation sexuelle. Elle dispose d’un centre de santé sexuelle qui s’occupe en priorité des minorités sexuelles.

A propos d’Alternatives Cameroun. Créée en 2006 à Douala, Alternatives Cameroun est l’Association pour la Liberté, la Tolérance, l’Expression et le Respect des personnes de Nature Indigente ou Victimes d’Exclusions Sociales. Elle milite pour le respect des droits Humains, apporte du soutien et de l’assistance aux victimes de violences basées sur l’orientation sexuelle et /ou l’identité de genre. Elle intervient conjointement dans le domaine de santé, en gérant un centre médical communautaire qui assure des services d’accueil, d’écoute, d’information et de prise en charge du VIH, IST et hépatites.

NOTES

[1] Le Cameroun fait partie des 72 pays dans le monde qui criminalise les rapports sexuels entre personnes du même sexe. L’article 347.1, du nouveau code pénal camerounais punit d’une peine allant jusqu’à 5 ans de prison, « toute personne qui a des relations sexuelles avec une personne de son sexe ». L’article 83 de la loi portant sur la cybercriminalité et cyber sécurité punit d’une peine allant jusqu’à deux ans, « toute personne qui à travers des technologies de la communication, fait des avances sexuelles à une personne de son sexe ». La peine est doublée si ces avances aboutissent à un rapport sexuel.

[2] « Ignorance », Rapport 2018 sur les violences et les violations faites aux minorités sexuelles et de genre au Cameroun, Alternatives Cameroun, Humanity First Cameroon, en collaboration avec Positive Vision, AAH, Alcondoms Cameroun, ASEMIR de l’Ouest. http://www.coalitionplus.org/wp-content/uploads/2019/05/RAPPORT-DE-VIOLATION-LGBTI-AU-CAMEROUN-2018-FINAL-1.pdf

[3] « Integrated Biological and Behavioral Surveillance Survey », 2016, données reprises par l’ONUSIDA, http://www.unaids.org/fr/regionscountries/countries/cameroon/

[4] Ibid

[5] « Atlas des populations clés », ONUSIDA, http://www.aidsinfoonline.org/kpatlas/#/home

[6] Communiqué de presse du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, 11 janvier 2019, « Le Fonds mondial vise 14 milliards de dollars US en vue de la conférence de Lyon en octobre 2019 pour accélérer le mouvement contre le sida, la tuberculose et le paludisme », https://www.theglobalfund.org/fr/news/2019-01-11-global-fund-announces-us14-billion-target-to-step-up-the-fight-against-aids-tb-and-malaria/

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