Drogues : les femmes usagères face à la stigmatisation

Une épidémie cachée. Les femmes représentent une minorité des usagers-ères de drogues injectables, mais elles doivent faire face à une stigmatisation et à des vulnérabilités accrues. En Roumanie et à Maurice, les membres et partenaires de Coalition PLUS se mobilisent pour leur proposer des solutions adaptées.

Femmes usagères de drogues : des enjeux spécifiques

Selon l’Organisation des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), les femmes constituent le tiers des usagers de drogues et un cinquième des usagers par voie injectable. Cependant, pour des raisons aussi bien biologiques que sociales, les femmes injectrices de drogues présentent une vulnérabilité accrue au VIH et au VHC. Par exemple, elles peuvent avoir recours au travail du sexe et avoir des difficultés à négocier l’usage du préservatif. Ainsi, la prévalence du VIH chez les femmes injectrices est proportionnellement plus élevée que chez les hommes qui s’injectent des drogues.

Parallèlement, elles font à la fois face à une plus grande stigmatisation de leur usage de drogues et à des barrières systémiques et socio-culturelles à l’accès au traitement. En effet, les femmes usagères de drogues contreviennent aux stéréotypes de genre et aux rôles sociaux traditionnels qui leurs sont assignés.

Des barrières systémiques et socio-culturelles à l’accès au traitement

Cindy Hurdoyal, cheffe d’équipe au sein du Collectif Urgence Toxida (CUT), membre de la Plateforme Océan Indien de Coalition PLUS, confirme : “On ne veut voir la femme que comme mère et épouse s’occupant du foyer, ce qui amène beaucoup de jugement et d’agression envers celles qui ne s’insèrent pas dans ce cadre”.

Même lorsqu’elles cherchent à entrer dans un protocole de traitement substitutif aux opiacés (méthadone), les femmes injectrices se heurtent aux perceptions négatives et attitudes punitives encore très présentes dans les systèmes de santé ou d’aide sociale. En effet, dans certains pays, l’usage de drogues chez les femmes peut servir à justifier le retrait de la garde de leurs enfants. Enfin, lorsque les femmes ont des enfants à charge, l’accès aux services de traitement et de réduction des risques leur est plus contraignant.

Ludmila Verdes, Directrice de la Recherche communautaire d’ARAS, membre de Coalition PLUS en Roumanie, remarque : “Comme les femmes s’occupent des enfants, ce sont souvent les hommes qui viennent dans les services de réduction des risques pour leur femme restée à la maison. Très peu de femmes se déplacent. De ce fait, seul l’homme bénéficie de l’ensemble des services proposés”.

La recherche communautaire et le plaidoyer, préalables indispensables à la mise en place de services adaptés aux femmes usagères de drogues

Drop-in center, ARAS, Roumanie.

Association roumaine de lutte contre le VIH/sida, ARAS, membre de Coalition PLUS, touche à travers ses activités de réduction des risques plus de 2600 usagers-ères de drogues injectables, dont plus de 20% de femmes. Afin d’identifier et définir les besoins des femmes usagères de drogues et les barrières d’accès aux services et au soin, l’association a mené entre 2013 et 2014 une enquête qualitative auprès de 30 femmes, sous la coordination de SPI Forschung et avec le soutien financier de l’Union européenne.

La recherche communautaire menée par ARAS a permis de mettre en évidence les vulnérabilités économiques et sociales des consommatrices de produits, ainsi que la nécessité de faciliter l’accès à l’information, aux services de réduction des risques et au dépistage et au traitement du VIH et du VHC”, explique Ludmila Verdes, Directrice de la Recherche communautaire à ARAS. “Mais pour pouvoir répondre à ces besoins, les associations ont besoin de financements ! C’est pourquoi la société civile roumaine plaide sans relâche pour la pérennisation des services de réduction des risques”.

Un combat pour porter haut et fort la voix des femmes usagères de drogue

A Maurice, le ministère de la Santé estime que 15% des usagers-ères de drogues injectables sont des femmes. Près d’une sur trois vivrait avec le VIH. Dans ce contexte, le Collectif Urgence Toxida (CUT), membre de la Plateforme Océan Indien de Coalition PLUS, met en oeuvre des projets communautaires de réduction des risques et plaide pour la réforme de la politique des drogues.

Cindy Hurdoyal, qui est aujourd’hui sous traitement de substitution à la méthadone, a trouvé sa place en militant, d’abord au sein de CUT, puis des instances de coordination nationale du Fonds mondial (CCM). Elle est aussi membre fondatrice du premier réseau mauricien de personnes usagères de drogues (MauNPUD). “Plus qu’un engagement, c’est un combat que je mène pour porter haut et fort la voix et les revendications de mes paires et de ma communauté”, résume-t-elle. “Quand vous êtes une femme injectrice, vous êtes dépouillée de vos droits et vos besoins spécifiques sont ignorés. Nous devons agir, par la recherche et le plaidoyer, pour faciliter l’accès des femmes consommatrices de produits à du matériel d’injection, aux services de soin, aux droits sociaux et légaux”.

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