« J’ai refusé que l’on condamne mon bébé qui venait de mourir »

Dans la continuité du 8 mars et de la Journée internationale des droits des femmes, Coalition PLUS publie le récit de Jeanne Gapiya, Présidente de l’Association Nationale de Soutien aux séropositifs et malades du sida au Burundi (ANSS) et administratrice de Coalition PLUS. Elle retrace pour nous la genèse de la première structure de prise en charge globale des personnes infectées et/ou affectées par le VIH au Burundi et l’importance des femmes dans la lutte contre l’épidémie.

Comment êtes-vous arrivée dans la lutte contre le sida ?

Gestionnaire comptable de formation, j’ai travaillé pendant neuf ans dans une pharmacie privée avant de m’engager entièrement dans la lutte contre le sida à travers l’ANSS. En décembre 1994 j’ai fait mon premier témoignage dans une église pour dire « NON ! » à un prêtre qui venait de dire que les malades du sida étaient des pécheurs. J’étais la première personne au Burundi à parler ouvertement et à visage découvert de son statut sérologique. Je l’ai fait car je ne pouvais pas accepter cette condamnation gratuite et surtout la condamnation de mon bébé qui venait de mourir. Je dirais que la force de me battre contre la discrimination et la stigmatisation a été guidée par cette révolte d’une mère qui refuse qu’on condamne son bébé.

Comment s’est dessiné votre engagement dans la lutte contre le sida ?

Au début je luttais essentiellement contre la discrimination et la stigmatisation des personnes vivant avec le VIH. Dès que les traitements antirétroviraux ont été découverts, je me suis battue pour que les malades puissent y accéder. Je défends aussi les droits des enfants infectés et/ou affectés par le VIH/SIDA. Je veux que le slogan « accès universel » soit une réalité dans mon pays.

Comment envisagez-vous l’avenir de ce combat ? 

L’efficacité de la lutte contre le VIH repose sur la vue d’ensemble. Il faut une réponse au niveau national, mais aussi au niveau régional puis international. C’est seulement ainsi que nous pourrons en découdre avec la pandémie.

Pour mettre fin au sida, il faut une vraie volonté politique et la solidarité internationale. Nous avons vu les avancées au niveau international avec l’arrivée du Fonds Mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Aujourd’hui la science a démontré que lorsqu’une personne séropositive est dépistée et bénéficie d’un traitement antirétroviral efficace, elle ne peut plus transmettre le virus.. Il suffit donc de mettre les financiers nécessaires pour pouvoir mettre fin au sida.

Quelle est la place des femmes dans lutte contre le  sida ?

La lutte contre le sida au Burundi est composée aujourd’hui essentiellement de femmes. Malheureusement, bien qu’engagées elles restent limitées dans leurs actions de prévention, car la majorité dépendent de leurs maris socialement, culturellement et financièrement. Les femmes fréquentent facilement les structures médicales et reçoivent toutes les informations sur le VIH mais elles n’ont aucun pouvoir de discuter et de négocier sur la question de la sexualité.

Au Burundi, l’épidémie en chiffres :

  • 85 000 personnes vivent avec le VIH dont :
    • 14 000 enfants âgés de 0 à 14 ans
    • 42 000 femmes âgées de 15 ans et plus
  • 3 900 décès ont été dénombrés en 2014

Dans le monde :

  • En 2014, 36.4 millions de personnes étaient atteintes du VIH et 2 millions nouvellement infectées
  • Le sida reste la première cause de mortalité chez les femmes de 15 à 44 ans
  • Au total, 7 000 filles de 10 à 24 ans sont infectées chaque semaine par le VIH

Sources : ONUSIDA et Fonds Mondial

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