SUISSE : la transmission du VIH ne constitue plus un danger mortel selon le Tribunal fédéral

En raisons des progrès de la médecine, la transmission du virus du SIDA lors de rapports non protégés ne peut plus être considérée comme une lésion corporelle mettant la vie en danger. Le Tribunal fédéral a fini par assouplir sa pratique, controversée, relative à la transmission du virus du sida entre partenaires, nous apprend le quotidien Le Temps.

Celui qui se sait porteur du virus et qui accepte malgré cela d’avoir des rapports non protégés, ne pourra plus être condamné pour avoir mis la vie de son partenaire en danger. Même si cette nouvelle jurisprudence n’équivaut pas à une dépénalisation de tels comportements, «elle va dans la bonne direction», estime Deborah Glejser, porte-parole du Groupe Sida Genève, membre suisse de Coalition PLUS.

Les progrès de la médecine, observent les juges de Mon-Repos (Lausanne) dans une décision de principe rendue publique mercredi, ne permettent plus de maintenir intégralement la jurisprudence suivie jusqu’ici, critiquée en particulier par les spécialistes de la prévention.

Espérance de vie

Pour justifier ce changement, le Tribunal fédéral met en avant les thérapies appliquées aujourd’hui. Celles-ci permettent, en effet, si la détection est précoce, d’empêcher le virus de se développer, de sorte que les personnes séropositives ont une espérance de vie qui n’est pratiquement pas réduite, relève le jugement, en s’appuyant à la fois sur la doctrine juridique et sur la littérature scientifique.

Une infection par le virus qui serait due au partenaire ne pourra plus tomber sour le coup des dispositions réprimant les atteintes volontaires à l’intégrité physique d’une gravité telle qu’elles mettent en danger la vie de la victime.

Ces atteintes, qualifiées par la loi de «lésions corporelles graves», sont réprimées par une peine pouvant aller jusqu’à dix ans de prison. Elles comprennent également «toute atteinte grave à l’intégrité corporelle ou à la santé physique ou mentale», tandis que les «lésions corporelles simples» sont définies comme les «autres atteintes à l’intégrité corporelle ou à la santé».

Le Tribunal fédéral a refusé d’indiquer si une infection par le virus du sida devait désormais être rangée exclusivement dans la catégorie des lésions corporelles «simples». Il a laissé la question ouverte et renvoyé le dossier à la justice zurichoise, en la chargeant d’examiner si des circonstances particulières, notamment les effets secondaires des thérapies, ou les lourdes répercussions que la séropositivité peut avoir sur l’équilibre psychique de la victime, doivent être qualifiées de lésions simples ou graves.

Thérapies efficaces

Dans son arrêt, le Tribunal fédéral ne minimise pas les conséquences d’une infection par le VIH. Il rappelle qu’il s’agit d’une maladie incurable, qu’elle oblige à une prise de médicaments à vie contraignant le patient à une stricte discipline. Mais il souligne qu’actuellement, contrairement à ce qui a été le cas dans le passé, une infection n’entraîne pas la mort. Le Tribunal fédéral cite ainsi un jugement de la justice genevoise acquittant un séropositif de l’accusation de tentative de lésions corporelles graves. L’homme, séropositif, avait eu des rapports sexuels non protégés, mais les médicaments antirétroviraux avec lesquels il était traité avaient abaissé sa virémie à un niveau indétectable, de sorte qu’il ne présentait pratiquement plus de risque de contamination (Le Temps du 25.02.2009).

«La science est allée plus vite que la société et les juges, observe Deborah Glejser. Une personne sous traitement antirétroviral efficace ne transmet plus la maladie.» La porte-parole du Groupe Sida Genève se félicite de voir le jugement du Tribunal fédéral placer l’infection par le virus du sida au même rang que d’autres maladies. Cette évolution permettra de revoir certaines règles, notamment en matière d’assurance vie, qui pénalisent les porteurs du virus.

Selon elle, il n’y a pas lieu de craindre que le jugement de la juridiction suprême ne banalise la transmission du sida. «Celle-ci est souvent le fait de personnes qui n’ont pas fait de test, et la répression par les tribunaux ne les encourage pas à le faire, au contraire. Cela dit, nous n’encourageons pas l’irresponsabilité», souligne-t-elle.

Illustration : ©Seronet.info

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