« En 1986, j’ai diagnostiqué le premier cas de sida au Maroc »

Dans le cadre de la Journée internationale des droits des femmes, Coalition PLUS publie les témoignages des femmes qui combattent quotidiennement contre le VIH et le sida.

Pour la première journée, nous vous présentons le témoignage d’Hakima Himmich, Présidente de l’Association de lutte contre le sida au Maroc, au Maghreb et dans la région du Moyen-Orient et Présidente de de Coalition PLUS.

Quel est votre parcours ?

J’ai fait mes études de médecine en France et y étais pendant Mai 68, ce qui m’a donné le goût du combat politique. A la fin de l’internat, en 1977,  j’ai eu un poste de chef de clinique dans le service de réanimation médicale de l’hôpital Foch, et c’est en 1980 que je suis retournée au Maroc, avec une solide expertise en maladies infectieuses. Cette spécialité qui concerne les plus pauvres, les plus vulnérables, avait l’avantage d’être compatible avec ma fibre militante.

Comment s’est réalisé votre engagement dans la lutte contre le sida ?

Mon engagement a été double, en tant que médecin et citoyenne. J’ai été chef de service du premier service marocain engagé dans la prise en charge des patients ayant une infection à VIH. En 1986, j’ai diagnostiqué le premier cas de sida au Maroc. Avec cette maladie, l’interaction entre droits humains et santé devient une question incontournable. Pour moi, la lutte contre le sida est globale ou n’est pas. J’étais également engagée en tant qu’acteur de la société civile, au sein de l’ALCS, que nous avons créée en 1988. L’ALCS est aujourd’hui la première association de lutte contre le sida dans la région MENA, la seule pendant des années et la plus importante à ce jour.

Le Maroc a été l’un des premiers pays à bénéficier du financement du Fonds Mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. L’ALCS a joué un rôle important dans l’éligibilité du Maroc à ce financement et elle est le principal acteur, après le ministère de la Santé, dans la réalisation des programmes financés par ce fonds.

Quel avenir envisagez-vous pour la lutte contre le sida ?

Il est paradoxal qu’au moment où l’ONUSIDA fixe des objectifs intermédiaires à atteindre en 2020 pour la fin du sida en 2030, on assiste au niveau international à un désengagement sur les plans politique et financier. Dans les objectifs de développement durable, l’infection à VIH est pour les Nations Unies, un problème de santé parmi d’autres. Au plan financier, alors que l’ONU demande que près de 32 milliards de dollars soient investis chaque année d’ici à 2020, contre 21,7 milliards cette année, il y a un désengagement de plusieurs pays en matière de financement du Fonds mondial.

Quelle est la place des femmes dans lutte contre le sida aujourd’hui ?

Au Maroc, ce sont des femmes qui ont été les premières à être à l’avant-garde de la lutte contre le sida. Personnellement, je n’ai jamais eu de difficulté à me faire entendre en tant que femme.

 

Au Maroc, l’épidémie en chiffres :

  • 32 000 personnes vivent avec le VIH au Maroc
  • 46% des cas notifiés de personnes vivant avec le VIH concernent les 20-34 ans
  • Les femmes sont touchées à 50% par l’épidémie
  • 73% des femmes vivant avec le VIH ont été contaminées par leur conjoint
  • 3 000 nouvelles infections sont survenues en 2013 et 1 400 décès liés au VIH ont été enregistrés en 2014

Dans le monde :

  • En 2014, 36,4 millions de personnes étaient atteintes du VIH et 2 millions nouvellement infectées
  • Le sida reste la première cause de mortalité chez les femmes de 15 à 44 ans
  • Au total, 7 000 filles de 10 à 24 ans sont infectées chaque semaine par le VIH

 

Sources : ALCS, ONUSIDA et Fonds Mondial

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