« En Europe, une femme sur cinq est intéressée par la PrEP »

CC-BY NIAID

Pour les femmes aussi, la PrEP (prophylaxie pré-exposition) est une stratégie de prévention adaptée face au VIH. Mais en Europe, l’accès à ce traitement préventif efficace leur reste extrêmement limité. Pourtant, selon une étude coordonnée par notre laboratoire de recherche communautaire et notre membre français AIDES, en collaboration avec l’Université de Maastricht, près d’une femme sur cinq déclare être intéressée par la PrEP. Explications de Rosemary Delabre, responsable Recherche communautaire à Coalition PLUS.

Mieux comprendre les besoins des femmes en matière de prévention du VIH

Tu es l’autrice principale d’un article publiée la semaine dernière dans la revue scientifique en ligne PLOS One. Pourquoi cet article est-il important pour la prévention du VIH auprès des femmes ? 

Rosemary Delabre : « Nous sommes très fiers-ères de la publication de cet article. C’est le fruit d’un travail collectif, réalisé avec des chercheurs-euses des quatre coins de l’Europe. Ensemble, nous avons analysé les données collectées auprès de 678 femmes cisgenres dans le cadre de l’enquête en ligne Flash ! PrEP in Europe, afin d’évaluer leur connaissance et leur intérêt pour la PrEP. 

En effet, malgré les recommandations de l’OMS, l’accès à cette stratégie de prévention du VIH reste limité. Pourtant, elle est très efficace, pour les hommes, comme pour les femmes ! Selon l’ONUSIDA, en 2019, 590 000 personnes s’étaient vues prescrire la PrEP au moins une fois. Nous sommes encore très loin de l’objectif de 3 millions fixé pour 2020 ! Et les femmes ne représentent qu’une petite minorité des utilisateurs-rices de la PrEP. En Europe et en Asie centrale, les données disponibles permettent d’estimer que seuls 10% des personnes qui prennent la PrEP sont des femmes. Il nous semblait donc indispensable de mieux comprendre leurs besoins en matière de prévention du VIH. Pour ce faire, nous nous sommes appuyés-es sur les outils de la recherche communautaire« . 

L’intérêt pour la PrEP recoupe certains facteurs de vulnérabilité des femmes face au VIH

Peux-tu résumer, en quelques mots, les conclusions de l’article ?  

RD : « En analysant les données recueillies auprès des femmes cisgenres, nous avons constaté que la PrEP était encore peu connue dans cette population : moins de la moitié des femmes interrogées connaissaient la PrEP avant de répondre à l’enquête. Au total, près d’une femme sur cinq (18%) a déclaré être intéressée par la PrEP. Cet intérêt est 2,5 fois plus élevé chez les femmes exposées à un haut risque d’infection par le VIH !

De manière générale, l’intérêt pour la PrEP recoupe certains facteurs de vulnérabilité face au VIH : un faible statut socio-économique, le fait d’être migrante (originaire d’un pays du Sud), ou encore un historique de violences ou d’abus sexuels. 

Bien que la connaissance de la PrEP soit encore limitée, les femmes expriment donc un réel besoin concernant le choix de leur prévention face au VIH. Il est plus que temps d’en tenir compte dans la conception et la mise en œuvre des politiques de santé publique en Europe. Nous le disons depuis des années : cela passe par la levée des barrières structurelles à l’accès à la PrEP pour les femmes ». 

Informer et sensibiliser les femmes à la PrEP pour leur permettre de choisir leur prévention

Quelles sont justement ces barrières d’accès à la PrEP pour les femmes cisgenres en Europe aujourd’hui ? Quelles interventions pourraient être mises en place pour y remédier ? 

RD : « Une étude publiée en décembre 2020 et réalisée à partir de données collectées dans 34 pays de la région européenne de l’OMS montre que, dans de nombreux pays, la PrEP n’est disponible que pour les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes et pour les personnes transgenres. Seule une minorité de pays intègrent dans leurs directives nationales sur la PrEP des recommandations spécifiques aux femmes cisgenres. Comme cette population n’est pas considérée comme prioritaire dans le déploiement de la PrEP, peu de pays font l’effort de promouvoir ce moyen de prévention à travers des campagnes adaptées. Résultat, les femmes cisgenres connaissent mal la PrEP, même lorsqu’elles courent un risque élevé d’infection par le VIH. Il est donc crucial de mettre en place des campagnes d’information sur la PrEP ciblées en direction des femmes les plus exposées. 

Il y a peut-être également encore un manque de sensibilisation aux risques de transmission du VIH. Ainsi, seules 4% des femmes interrogées dans le cadre de Flash ! PrEP in Europe considèrent qu’elles courent un risque élevé d’infection par le VIH. Or, en tenant compte de certains critères objectifs, nous avons pu constater qu’elles étaient trois fois plus nombreuses. Il est vrai que la perception du risque est très personnelle. Cependant, des outils d’évaluation de ce risque pourraient être développés, en collaboration avec les femmes concernées. C’est aussi le rôle de nos associations communautaires : accompagner les personnes pour qu’elles puissent être en mesure de choisir une stratégie de prévention adaptée à leurs besoins, en toute connaissance de cause ». 

PARTAGER