Hommage à Yves Yomb, figure africaine de la défense des droits humains

C’est avec une profonde tristesse que nous annonçons le décès d’Yves Yomb, activiste et salarié de Coalition PLUS, réseau international d’associations de lutte contre le sida et les hépatites virales. Nous adressons nos sincères condoléances à sa famille et à ses proches, et leur assurons tout notre soutien. 

Yves avait 44 ans. Il s’est battu contre une longue maladie avec courage et discrétion. Il va nous manquer. Tout de lui va nous manquer. Sa combativité bien sûr, mais aussi sa finesse d‘esprit, son élégance, sa constance, son dévouement, son charisme, son humanisme, son amitié…

Né au Cameroun, Yves travaillait dans la banque quand il a réalisé qu’il avait une cause à défendre au-dessus de tout : la défense des droits humains et la reconnaissance des minorités sexuelles. Yves défendait le droit fondamental d’exister et plus encore d’aimer et d’être aimé, quelles que soient son identité de genre et son orientation sexuelle.

« J’ai commencé à militer lorsque j’étais étudiant, mais c’est l’affaire du “Top 50” qui a fait de moi un véritable activiste, confiait-il dans une interview pour Coalition PLUS. En 2006, les médias camerounais publiaient une liste de personnalités camerounaises présumées homosexuelles, les jetant en pâture à la vindicte populaire [article du Monde du 2 février 2006, ndlr]. C’était très grave. Avec des amis, nous nous sommes dit que si nous n’agissions pas, personne ne le ferait. »

Yves a eu le courage de s’attaquer à l’une des lois les plus injustes de son pays : celle qui criminalise depuis 1972 l’homosexualité. « Est punie d’un emprisonnement de six mois à cinq ans et d’une amende de vingt mille à deux cent mille francs toute personne qui a des rapports sexuels avec une personne de son sexe. »

Yves s’est pleinement investi dans l’association communautaire Alternatives Cameroun, jusqu’à en devenir directeur. Il a aussi été porte-parole d’Africagay contre le sida, le premier réseau africain francophone de lutte contre les violences homophobes et contre le sida. Les objectifs étaient simples en soi, mais extrêmement périlleux : visibiliser les gays africains, faire reconnaître leurs droits et en particulier leurs droits à la santé et à la santé sexuelle. Est-il nécessaire de le rappeler ? En Afrique, seuls 16 pays reconnaissent l’homosexualité !

Yves faisait partie de ces braves que ni les menaces, ni les calomnies, ni la prison n’ont effrayés. Une fois le silence brisé, Yves n’a jamais renoncé à son droit élémentaire de dire, de dénoncer, de plaider ! A la dernière conférence mondiale sur le sida organisée au siège des Nations Unies en juin 2016, Yves était bien sûr de la partie. Pourtant, il n’y était pas invité : les Nations Unies avaient refusé d’accréditer 22 ONG majoritairement LGBTI. Yves avait depuis longtemps compris que la parole ne se demande pas, mais se prend. Alors, devant les portes des Nations-Unies au cœur de New York, il l’avait prise haut et fort dans les plus grands médias francophones, dont Radio France Internationale. Résultat, le lendemain, son appartement à Douala avait été visité… Mais qu’importe, Yves avait fait passer son message.

Yves était un immense activiste, mais pas un provocateur. Il était pragmatique, il voulait des résultats, des changements concrets et palpables pour sa communauté. Alors, quand Africagay a intégré Coalition PLUS en 2019 et est devenu l’Alliance globale des communautés pour la santé et les droits (AGCS PLUS) afin de nouer des relations constructives, tant avec les gouvernements qu’avec les institutions techniques et financières (Fonds mondial, ONUSIDA, OMS), Yves a accompagné le changement et a accepté d’endosser la fonction de coordinateur avec brio.

Avant d’être hospitalisé à Paris, il était devenu responsable du plaidoyer pour les droits humains. Il avait encore plein de projets à réaliser, plein de défis à relever pour sa communauté : « J’espère que nous pourrons faire avancer ensemble la cause LGBT en Afrique. Sans droits, les personnes les plus touchées par l’épidémie de sida ne peuvent pas avoir accès aux services de santé : c’est ce qui nourrit l’épidémie cachée contre laquelle nous nous battons. »

Yves n’est plus, mais plus que jamais, en sa mémoire, le combat continue. Nous, militants-es de Coalition PLUS, le continuerons. 

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