Alors que le nombre de nouveaux diagnostics du VIH continue d’augmenter en Amérique latine (+9% entre 2010 et 2023), Coalition PLUS a choisi de mettre en lumière la mobilisation communautaire dans la région en lançant la Semaine Internationale du dépistage depuis Bogotá, en Colombie, sous la coordination de Red Somos, acteur local historique de la riposte communautaire.

Crédit photo : Delaney Turner, Bogota (Colombie) via Unsplash (Photo d’illustration)
Une épidémie marquée par deux écarts
L’épidémie en Colombie se caractérise par deux écarts critiques. Le premier se situe au niveau des diagnostics : selon l’ONUSIDA, 230 000 personnes vivent avec le VIH dans le pays, mais seules 190 000 personnes connaissent leur statut et près de 40 000 personnes vivraient avec le virus sans le savoir.
Le second écart concerne l’accès aux traitements. En 2023, alors que l’Institut national de la santé a recensé 20 654 nouveaux diagnostics du VIH, seules 14 555 personnes ont intégré le système de soins. Plus de 6 000 personnes ne bénéficient pas d’un traitement de manière durable.
Ces écarts compromettent l’accès à un traitement continu efficace et alimentent les nouvelles transmissions.
Un accès aux services de santé loin d’être universel
La Colombie dispose d’un cadre légal garantissant l’accès aux services de santé liés au VIH, mais dans les faits, la stigmatisation et la discrimination continuent d’éloigner les personnes les plus vulnérables de ces services essentiels.
Les migrants.s en situation irrégulière ne peuvent pas adhérer au système de santé ; les travailleurs.ses du sexe ne bénéficient d’aucune reconnaissance juridique de leur métier ; et, les usagers.ères de drogues sont criminalisés.ées au lieu d’être accompagnés.ées.
Aussi, les personnes LGBTQI+ font face à une hostilité politique grandissante, ce qui aggrave leur exclusion des services de soins.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : à Bogotá, la prévalence au VIH atteint 25,9 % chez les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) ; à Cali, elle s’élève à 19 % chez les femmes trans, dont à peine 51,6 % suivent un traitement antirétroviral.
La non régularisation des personnes migrantes issues du Vénézuela renforce l’épidémie
Avec plus de 2,8 millions de personnes migrantes d’origine vénézuélienne, la Colombie est au cœur d’une crise migratoire régionale. Près de 15% des nouveaux diagnostics concernent des personnes issues de cette migration et posent un véritable problème de santé publique. Sans papiers, sans droits, beaucoup ne peuvent pas accéder à un suivi médical régulier, comme l’accès au traitement.
Par ailleurs, les situations d’extrême précarité dans lesquelles ils et elles vivent, nourrissent la propagation du virus.
Aux côtés du Pérou et de l’Équateur, la Colombie tente de construire des stratégies transfrontalières pour la santé des migrants. Mais l’absence de statut légal et la peur de la répression rendent l’accès aux soins presque impossible.
La région n’a pas été épargnée par les coupes budgétaires américaines
Depuis janvier 2025, les coupes budgétaires américaines dans la lutte contre le VIH frappent de plein fouet l’Amérique latine.
Selon le rapport conjoint* de l’Université Johns Hopkins et de Red Somos, 87 % des organisations communautaires ont vu leurs financements suspendus ou gelés.
En Colombie, l’association Red Somos a subi une réduction de 44 % de ses fonds, entraînant la suppression de 32 contrats et la mise à l’arrêt de plusieurs programmes essentiels, notamment ceux destinés aux personnes migrantes.
Ces coupes menacent directement des décennies d’efforts pour enrayer l’épidémie. Les associations alertent : affaiblir les associations communautaires qui ont la capacité de travailler au plus près des populations les plus exposées au virus, c’est fragiliser toute la santé publique dans la région.
*publié en mars 2025
															Crédit photo : Victor Rosario, Bogota (Colombie) via Unsplash (Photo d’illustration)
Bogota, capitale mondiale du dépistage communautaire
C’est dans ce contexte que la Semaine Internationale du Dépistage 2025 sera lancée.
Au programme :
- Campagnes massives de dépistage dans les rues de Bogotá, Soacha et Barranquilla ;
 - Et un lancement officiel de haut niveau, réunissant diplomates, bailleurs et représentants de l’État.
 - Forum national des associations communautaires, consacré à la reconnaissance officielle du dépistage communautaire et du travail essentiel des pairs-éducateurs.ices ;
 - Organisation du Festival Rouge : événement culturel autour du VIH
 
L’objectif est de rappeler le rôle essentiel des associations communautaires et de militer pour leur financement. Sans elles, la continuité des soins disparaît, les plus vulnérables restent à l’écart, et un monde sans sida demeure une promesse inachevée.
											


