Toute personne, dans sa vie, un jour rencontrera un problème de santé anale et les personnes vivant avec le VIH sont plus particulièrement touchées. Pourtant, la santé anale est un sujet souvent négligé et tabou. Coalition PLUS a décidé de se mobiliser et d’en faire une priorité. Le Dr Alou Coulibaly, médecin de chez ARCAD Santé PLUS, nous explique comment depuis plus de 10 ans, son travail et celui de ses collègues ont permis de surmonter les tabous pour offrir des services de qualité à ses patient-e-s en matière de santé anale.
De la prise en charge des malades du VIH à la création d’une Clinique de santé sexuelle
Créée en 1994, ARCAD Santé PLUS a été le premier centre de prise en charge des personnes vivant avec le VIH au Mali. Le Dr Alou Coulibaly y travaille depuis 2005 en tant que médecin et a joué un rôle clé dans son développement.
En 2010, pour répondre aux besoins spécifiques des populations clés, l’association malienne crée la Clinique des Halles.
Tout le monde ne se reconnaissait pas dans le public d’ARCAD -Santé PLUS. L’association était étroitement associée aux personnes vivant avec le VIH. Cependant, certains hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HSH) avaient des infections sexuellement transmissibles (IST) mais étaient séronégatifs, donc ils ne venaient pas
Dr Coulibaly
La peur d’être étiqueté séropositif était un véritable problème.
Les équipes d’ARCAD Santé PLUS ont alors décidé d’aller sur le terrain pour rencontrer les populations clés et ont élargi les horaires d’ouverture pour les accueillir la nuit. Cependant, cette stratégie avait ses limites.
Nous devions louer des chambres pour pouvoir recevoir les travailleuses du sexe en consultation, mais les conditions n’étaient pas optimales.
Dr Coulibaly
C’est ainsi qu’ils ont créé la Clinique des Halles pour répondre à ces problèmes en offrant des horaires nocturnes et en adoptant une nouvelle image plus inclusive.
La Clinique accueille à la fois des personnes issues des populations clés et de la population générale. Elle propose de multiples services tels que la prévention, le dépistage, la prise en charge psycho-médico sociale. En parallèle, les unités mobiles déploient ces services dans les régions éloignées.
La santé anale, une priorité depuis plus de 10 ans
ARCAD Santé PLUS a été à l’avant-garde de la fourniture de soins complets aux personnes vivant avec le VIH et aux populations clés au Mali. Au fil des ans, le centre a élargi ses services pour répondre toujours plus précisément aux besoins de ses bénéficiaires.
Quelques chiffres :
- 2.000 personnes vivant avec le VIH sont suivies par l’association,
- 300 HSH et 200 travailleuses du sexe bénéficient de la PrEP grâce à la Clinique,
- Plus de 500 autres HSH sont également suivis.
Tous ces bénéficiaires sont de potentiels patients aux examens proctologiques.
En 2011, le Dr Coulibaly d’ARCAD Santé PLUS suit une première formation en santé anale. Aujourd’hui, l’association malienne est leader en Afrique de l’Ouest, offrant à son tour une formation aux médecins et plaidant pour l’importance de la santé anale dans la région.
Ces 10 années ont permis à l’association de peaufiner son discours. En effet, les tabous entourant la santé anale représentent une véritable barrière à la prévention et au traitement des problèmes anaux. Certains individus craignent d’être stigmatisés ou catégorisés en fonction de leur orientation sexuelle ou de leurs pratiques sexuelles. De plus, le manque de formation du corps médical a souvent conduit à l’évitement de ce sujet. Il est donc essentiel de briser ces tabous afin de promouvoir la consultation régulière et la prévention des risques.
Tout le monde, à un moment de sa vie, aura une infection anale. Cela n’a rien à voir avec l’orientation sexuelle ou les pratiques sexuelles. Il est important de consulter régulièrement pour éviter les complications, un peu comme aller chez le dentiste.
Dr Coulibaly
Si la sensibilisation est essentielle, elle doit être accompagnée de la formation des professionnels de la santé et de la mise à disposition des équipements nécessaires pour normaliser la santé anale (bistouri, anuscopie, etc.).
Les risques accrus pour les personnes séropositives
Les chiffres révèlent les problèmes de santé anale auxquels sont confrontées les personnes vivant avec le VIH et les populations clés. Par exemple, selon les statistiques du Dr Coulibaly, les femmes séronégatives ont un risque de 9% de thrombose anale et de 15% de fissure anale, tandis que les femmes vivant avec le VIH ont un risque de 14% de thrombose anale et de 23% de condylome anal. Ces chiffres soulignent l’importance d’un dépistage précoce et d’une prise en charge pour prévenir les complications. Le docteur malien conclut :
La santé anale doit être une priorité pour tous les acteurs de la lutte.
Dr Coulibaly