Depuis le début de l’année 2025, les associations du réseau Coalition PLUS subissent les conséquences de la suspension brutale des aides américaines et en particulier le programme PEPFAR, pilier historique de la lutte contre le VIH.
En juillet 2025, un nouveau rapport publié par la Clinton Health Access Initiative (CHAI) dresse un bilan sans appel des répercussions de ces baisses de financements internationaux. Il met en lumière une rupture massive des services VIH essentiels à tous les niveaux : prévention, dépistage, traitement et suivi biologique.
Les témoignages recueillis par nos associations partenaires au Burundi, au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire viennent confirmer les chiffres du rapport. Un constat est clair : ce sont les individus qui payent le prix fort de décisions politiques irresponsables.

Extrait d’une vidéo regroupant des témoignages de travailleuses du sexe en Côte d’Ivoire
Prévention : PrEP indisponible
Toutes les commandes de PrEP orale financées par PEPFAR ont été annulées. Pourtant, la PrEP constitue aujourd’hui le médicament préventif le plus efficace contre le VIH. Elle est particulièrement utilisée par les groupes les plus exposés : travailleuses et travailleurs du sexe, hommes gays et personnes transgenres.
L’étude de la CHAI indique une baisse de 26 à 65 % des initiations à la PrEP entre le dernier trimestre 2024 et le premier trimestre 2025, dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne.
En Côte d’Ivoire, les témoignages de terrain viennent corroborer les résultats de l’étude CHAI :
« Je suis suivie pour la PrEP. La majorité de mes clients refusent de se protéger. C’est pour ça que je prends la PrEP. Mais depuis un certain moment, je n’ai plus de pilules. Je ne sais pas quoi faire. »
— Une travailleuse du sexe, Côte d’Ivoire
« Je suis suivi avec la PrEP depuis plus de deux ans. En janvier 2025, j’ai appelé pour venir la récupérer, et on m’a simplement annoncé que le projet ne finançait plus la PrEP. »
— Un homme gay, Côte d’Ivoire
« S’il n’y a plus de financement pour la PrEP, c’est comme si on était encore plus exposés. Et ça ne touchera pas seulement notre communauté, ça peut toucher tout le monde. »
— Un homme gay, Côte d’Ivoire
Sans cet outil de prévention, les risques d’infection augmentent considérablement. Et le virus ne restera pas confiné à ces communautés. Faute d’action, l’épidémie pourrait repartir à la hausse.
Suivi biologique : connaître sa charge virale a désormais un coût
Quand le taux de virus présent dans le corps est maîtrisé, le virus devient indétectable – et donc intransmissible. C’est la clé pour stopper l’épidémie. Mais sans soutien, cet acquis s’effondre.
Mais avec l’arrêt des financements, l’accessibilité de ces examens est en chute libre :
- – 64 % de tests CD4 (nécessaires pour détecter les formes avancées du VIH)
- – 68 % de tests de charge virale, essentiels pour évaluer l’efficacité du traitement
- – 6 à – 39 % de tests VIH réalisés dans les structures partenaires de PEPFAR
Cette situation est particulièrement préoccupante pour les professionnel·les de santé :
« Avant, les analyses de laboratoire pour connaître sa charge virale étaient gratuites. Aujourd’hui, les patients doivent payer. Et beaucoup n’en ont pas les moyens. Résultat : ils ne se font plus suivre. »
— Infirmière, centre de santé au Burkina Faso
« Le médecin nous a remis une liste de patients avec une charge virale non supprimée. Il faut les recontacter. Mais on n’a plus le personnel nécessaire. »
— Conseillère psychosociale, Burkina Faso
Traitement : sans médicaments, que faire ?
C’est la question que se pose une mère séropositive, également travailleuse du sexe :
« Je suis séropositive. Mon fils est séropositif. On a le même rendez-vous pour venir chercher nos médicaments. Et j’entends que la clinique est fermée... Mais je fais comment ? »
— Travailleuse du sexe, Côte d'Ivoire
Les ruptures de stock dans les centres de santé entraînent des interruptions de traitement, qui peuvent être fatales pour les personnes vivant avec le VIH.
« Avec les médicaments, on était devenues bien. Mais quand tu fais deux ou trois mois sans traitement, la maladie revient »
— Travailleuse du sexe, Côte d'Ivoire
Début 2025, les données de la CHAI font état d’une baisse allant jusqu’à -22 % des mises sous traitement.
Centres d’accueil communautaires : portes closes
Les lieux de confiance, où les populations clés pouvaient accéder aux soins sans jugement, ferment les uns après les autres. Et derrière chaque fermeture, ce sont des centaines de personnes qui se retrouvent seules, sans solution, stigmatisées.
Un jeune homme gay en larmes témoigne :
« À la maison, personne ne sait que je suis séropositif. Rien. Ici, les gens me portaient dans leur cœur. On m’appelait pour vérifier si tout allait bien. Mais quand j’ai appris que la clinique allait fermer… j’ai peur, je suis terrifié. Je me dis : si elle ferme, comment je vais faire ? Où vais-je trouver mes médicaments ? »
Avec l’affaiblissement des financements, les centres communautaires ne peuvent plus fonctionner, faute de personnel et de ressources pour assurer leurs activités. Contraints de fermer, ils laissent derrière eux un vide immense pour toutes ces personnes qui, de peur d’être stigmatisées, ne franchiront jamais la porte d’un centre de santé classique.
Selon la Clinton Health Access Initiative, les conséquences à long terme seront dramatiques : si les coupes budgétaires actuelles se poursuivent, jusqu’à 850 000 infections supplémentaires au VIH et 30 000 décès évitables pourraient survenir dans les cinq prochaines années.
Et PEPFAR n’est pas seul financeur en cause : la contribution des états au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et la paludisme a diminué, ajoutant une pression supplémentaire sur les systèmes de santé des pays les plus vulnérables.
Derrière ces chiffres, ce sont des milliers de vies humaines qui sont directement menacées. Faute de moyens, ils-elles se retrouvent privé-es de traitement, de prévention ou de dépistage. Des communautés entières laissées pour compte, exposées à une épidémie que l’on pouvait encore dire, il y a un an, qu’elle avait une chance d’être éradiquée.
Coalition PLUS agit. Mais sans vous, notre action s'arrêtera.
Face à l’urgence, Coalition PLUS agit sur plusieurs fronts.
Grâce à vous, nous pouvons :
- Apporter une aide financière d’urgence aux associations communautaires en grande difficulté,
- Décrypter les décisions internationales pour informer et orienter les actions de terrain,
- Plaider pour la défense du Fonds mondial et des mécanismes de financement innovants comme la Taxe sur les Transactions Financières,
- Accompagner les associations communautaires à participer à l’élaboration de stratégies d’autonomisation des systèmes de santé dans leurs pays, qui prenne en compte les besoins des communautés les plus à risque.