En ce début d’année, la PrEP (prophylaxie pré-exposition), un traitement préventif au VIH, a fait son entrée en centre de santé communautaire à Maurice. « Bien que disponible à Maurice depuis 2019, la PrEP n’avait jamais été une réalité jusqu’à récemment » nous confie Patrice Monvoisin, responsable des opérations de notre association partenaire, PILS. Depuis septembre 2022, sa dispensation dans notre centre est possible grâce à une collaboration avec le Ministère de la Santé.
Un accès renforcé à la PrEP constitue un progrès significatif pour une meilleure santé sexuelle
Pour être efficace, la PrEP doit être adoptée par un grand nombre de personnes. Or selon les chiffres du Ministère de la Santé à Maurice, seules 89 personnes y auraient eu recours entre 2019 et 2022. Le succès espéré n’a donc jamais été au rendez-vous malgré sa gratuité et son efficacité à prévenir les nouvelles infections à VIH.
Pour nous, c’était une évidence que la PrEP devait être dispensée au sein de notre association et ce, au plus proche des personnes. Mais, il a été difficile de convaincre les institutions publiques. C’est un travail de longue haleine que nous avons mené et par chance, nous avons bénéficié d’un parfait alignement des planètes.
Patrice Monvoisin
En quelques mois, plusieurs facteurs ont rendu disponible la PrEP auprès des publics de l’association. Les exigences des instances internationales et les efforts de plaidoyer du projet PrEP-Femmes ont fait de la PrEP un enjeu national majeur.
En ce sens, le 28 septembre 2022, le Ministre de la Santé a organisé une journée nationale de la PrEP. Notre association membre à Maurice a d’ailleurs participé à cette initiative en travaillant au lancement de la grande campagne nationale de communication. A la suite de cette journée, l’association a reçu l’autorisation de dispenser la PrEP en milieu communautaire, avec l’appui des médecins et des infirmiers détachés par le ministère.
Dispensation de la PrEP dans le nouveau centre de santé communautaire
C’est un peu un grand rêve qui se réalise. Nous pouvons dispenser des services de santé essentiels dans un lieu convivial et communautaire.
Patrice Monvoisin
Ce centre offre des services de santé sexuelle et reproductive. Il est rattaché au centre Nou Vi La (« Nous vivons là », en créole) ouvert depuis août 2020.
Les deux pôles de service sont côte à côte mais ils offrent des services distincts bien que complémentaires. Au centre Nou Vi La, l’aspect psycho-social y est privilégié avec des consultations psychologiques, des causeries, etc. Alors que le centre Banian propose des services médicaux : dépistage, prescription de la PrEP, centre de soins pour l’hépatite C, suivi des analyses des personnes vivant avec le VIH, etc. Bientôt d’autres services tels que le dépistage d’IST, la syphilis, la santé anale, la vaccination HPV et des services propres à l’addictologie y verront le jour.
Patrice Monvoisin
Par delà les murs du centre de santé pour toucher les communautés
En mars 2023, le projet «PrEP mobile» a été lancée pour se rendre sur les lieux de rencontre des communautés.
La PrEP mobile permet aux équipes de se déplacer vers les communautés plutôt que de les faire venir dans les centres de santé. Le centre Banian est ouvert en journée. Or, on sait que les communautés ont plutôt tendance à vivre la nuit. Donc, nous allons à leur rencontre et effectuons des tests à 1h ou 2h du matin. Bientôt d’autres services tels que le dépistage d’IST, la syphilis, la santé anale, la vaccination HPV et des services propres à l’addictologie y verront le jour.
Patrice Monvoisin
La lenteur des tests en laboratoire décourage l’utilisation de la PrEP
Depuis son entrée au centre communautaire, le nombre de bénéficiaires a significativement augmenté. Cependant, une barrière persiste pour que les objectifs fixés soient atteints. Il s’agit de la lenteur du laboratoire central.
En effet, avant de commencer le traitement, une personne doit passer plusieurs tests rapides (VIH, VHC, IST, etc.). Ensuite, un test en laboratoire doit confirmer le résultat. Mais, les résultats n’arrivent pas avant un mois, voire un mois et demi. Ceci entraîne une perte importante de bénéficiaires.
Les équipes de terrain se découragent. Une personne intéressée par la PrEP se présente au centre. Mais, elle doit attendre trop longtemps. Entre-temps, certaines personnes contractent le virus. Ou bien, il faut tout recommencer parce que sur un mois voire plus, les personnes peuvent avoir pris des risques. C’est vraiment frustrant !
Patrice Monvoisin
Aujourd’hui, la PrEP est une réalité grâce à une collaboration entre le ministère de la Santé et la société civile. Néanmoins, il reste encore de nombreux défis à relever pour améliorer son accessibilité et contribuer à la prévention de nouvelles infections à VIH.