Une vie avec le VIH : l’histoire d’Aurélie

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C’est à l’âge de 13 ans qu’Aurélie [nom d’emprunt], militante du réseau de Coalition PLUS, a découvert sa séropositivité. Deux décennies plus tard, elle souhaite partager son parcours afin d’enrichir une histoire commune, encore trop souvent passée sous silence, celle de vivre avec le virus du VIH/Sida.

Image d’illustration, Unsplash par Luke Porter

Le ciel m’est tombé sur la tête

En 1998 lors d’une de ses visites régulières chez le médecin, Aurélie apprend qu’elle vit avec le virus du VIH depuis sa naissance, qui lui a été transmis par sa mère. Elle se souvient encore parfaitement de ce moment :

« lorsque mon médecin m’a annoncé que j’étais séropositive, j’ai senti le ciel me tomber sur la tête, comme si une véritable chape de plomb s’abattait sur moi ».

Sa famille lui conseille de le garder pour elle. Élevée dans le secret, malgré l’amour et le soutien de ses proches, Aurélie regrette le tabou qui entoure sa maladie. A l’époque, refusant de se taire, elle partage rapidement cette nouvelle avec ses copines de classe.

« J’avais besoin d’en parler! C’était trop gros pour que je le garde pour moi. Dès lors, le virus faisait partie de mon identité. Si les gens ne le savaient pas, ils ne me connaissaient pas entièrement ».

Avant même de le savoir, Aurélie se posait déjà des questions. Avec le recul, certains signes auraient pu lui mettre la puce à l’oreille :

« Je ne comprenais pas pourquoi à 10 ans, on me parlait sans cesse de préservatif. J’en avais d’ailleurs touché un mot à une amie, mais elle ne savait pas ce que c’était. Je trouvais cela étrange que l’on m’en parle aussi régulièrement… ».

Aussi, à ses 5 ans, elle trouvait bizarre de prendre le même traitement que sa mère : l’AZT. Ce n’est que plus tard, en regardant le film « Dallas Buyers Club », qu’elle reconnaîtra les comprimés qu’elle prenait enfant.

« Les petits chevaux sur les comprimés d’AZT étaient ceux de mon traitement, sans que je sache à l’époque ce que c’était ni pourquoi je le prenais.».

La fin de l'insouciance face à la séropositivité

Lorsqu’Aurélie apprend sa séropositivité, l’insouciance inhérente à l’enfance est très rapidement dissipée, laissant place à d’importantes responsabilités envers elle-même, mais aussi envers les autres.

A l’adolescence, le port du préservatif était non-négociable :

« J’imposais systématiquement le port du préservatif, car à l’époque, je ne savais pas que sous traitement, je ne le transmettais pas le VIH».

Ainsi, elle portait le poids de sa propre santé et de celle des autres. 

« J’étais responsable de mon virus et il ne fallait absolument pas le transmettre, ça aurait été la pire des choses».

Cela ne concernait pas uniquement sa sexualité, mais également le suivi médical. À 16 ans, Aurélie se rendait seule à l’hôpital pour récupérer son traitement. Elle raconte :

« C’est comme si j’étais devenue adulte avant l’heure. Cette situation était à la fois très lourde, mais aussi très émancipatrice.».

Un statut séropositif différent des autres

Être née avec le VIH est différent que d’avoir été infectée en tant qu’adulte. Les gens portent un regard différent sur vous. Un jour, un médecin lui a dit :

« Ma pauvre, vous n’avez pas de chance, ce n’est vraiment pas votre faute».

 Aurélie s’est indignée et lui a rétorqué : 

« Mais, comment ça ce n’est pas de ma faute ? Et les autres, ma mère, vous pensez que c’est de leur faute en fait ?».

Longtemps, elle a pensé que son discours n’était pas légitime en tant que jeune femme hétérosexuelle et séropositive l’ayant attrapé à la naissance. Selon Aurélie, c’est le seul mode de transmission où tout est pardonné. Elle ne fait pas partie des populations clés de l’épidémie du VIH : homosexuels, usagers.ères de drogue, travailleurs.euses du sexe, etc. 

En effet, même au sein des associations de lutte contre le VIH, elle n’est pas identifiée comme telle par ses pairs.

« Personne ne se doutait que je vivais avec le VIH. Je n’ai tellement pas “le profil de la séropo”, mais, je ne me gênais pas pour le dire quand je le pouvais».

Partager des histoires communes, un véritable game changer

Pourtant, rejoindre une association de lutte contre le VIH a été un tournant pour Aurélie.

« Cela m’a fait un bien fou de rencontrer des personnes ayant vécu des expériences similaires. ».

Le tabou ancré depuis son enfance a commencé à se dissiper grâce à ces échanges. Écouter d’autres histoires de vie a été un véritable tournant pour elle, lui offrant un sentiment d’appartenance mais également une compréhension de sa propre valeur.

Elle regrette que tout ait été si tabou et se souvient :

« Après l’annonce de ma séropositivité à l’âge de 13 ans, je pensais être seule au monde.».

Lorsqu’elle était jeune, des rencontres entre enfants malades étaient organisées par l’hôpital, mais aucun des enfants présents ne savait qu’il vivait avec le VIH. 

« C’était assez fou de se dire qu’on passait une semaine ensemble, en prenant tous-tes un traitement, sans savoir qu’on était tous-tes séropo, alors que ça aurait été tellement enrichissant d’échanger».

Pendant près de 10 ans, elle a vécu sans représentation ni figure de personnes ayant vécu une histoire similaire à la sienne.

Et après ?

Matt Hoffman, Unsplash (image d'illustration pour l'article : une vie avec le VIH : l'histoire d'Aurélie)

Aujourd’hui, Aurélie est mère d’un enfant séronégatif. C’est à elle maintenant d’annoncer sa séropositivité à son enfant. 

« Aborder le sujet reste un exercice d’équilibriste. Il y a un an, j’ai subi ma première discrimination directe en révélant mon statut à la mère d’un très bon ami de mon enfant. Depuis, elle a coupé les ponts. C’est là que j’ai réalisé que même si mon enfant est séronégatif, ma séropositivité peut avoir un impact négatif dans ses relations sociales. ».

Cet incident a suscité de nombreux questionnements : comment lui annoncer, à quel âge, comment le rassurer, etc. ? 

Quarante ans après la découverte du virus, le VIH reste une maladie dont on ne s’autorise pas à parler librement. Lorsqu’on le fait, on s’expose à la discrimination, souvent en raison d’une mauvaise compréhension ou par manque d’informations sur la maladie.

Au travers de cet article, Aurélie souhaite inciter d’autres personnes vivant avec le VIH à prendre la parole, à briser les stigmas et à montrer que vivre avec le VIH ne doit plus être tabou et que chaque histoire mérite d’être racontée.