Dakar, Sénégal, le 5 février 2025. Au-delà des effets immédiats de sa suspension soudaine, l’arrêt du financement américain des programmes internationaux de lutte contre le VIH/sida (PEPFAR) soulève une question cruciale : comment favoriser l’émancipation des systèmes de santé des pays du Sud, alors même que l’espoir renaît grâce aux récentes innovations thérapeutiques ? Cette émancipation ne peut se construire sans une prise de conscience des défis structurels sous-jacents, notamment le poids de la dette, et la nécessaire action des États à revenu faible ou intermédiaire pour atteindre la souveraineté sanitaire.
Les systèmes de santé africains mis en grande difficulté par le gel des financements USAID et PEPFAR
Les décisions successives de l’administration américaine (ordre de suspension immédiate de l’aide puis dérogation pour l’aide humanitaire d’urgence permettant la distribution des traitements antirétroviraux pour les personnes vivant avec le VIH) ont plongé les organisations dans le chaos, et si la reprise de la distribution des traitements est un soulagement, d’autres services de santé essentiels à la lutte contre le VIH doivent être maintenus.
En effet, l’ordre d’arrêt de travail a désorganisé les efforts de livraison et de distribution de fournitures médicales et a rompu les chaînes d’approvisionnement de médicaments.
En plus des fermetures de cliniques et l’interruption de services de santé essentiels auprès des communautés et des groupes les plus vulnérables, des milliers de soignants-es qualifiés-es ont dû interrompre leurs activités et des campagnes de prévention ont dû être stoppées net, laissant des millions de personnes exposées aux épidémies existantes (VIH, paludisme, tuberculose, Mpox, Ebola, choléra) et à l’émergence de nouvelles pandémies.
Même en imaginant une reprise de l’aide à échéance des 3 mois, les conséquences de cette décision impacteront les systèmes de santé pour des mois, voire des années.
Repenser le financement de la santé en Afrique
Ce gel pour examen intervient dans un contexte de vives critiques, au Nord comme au Sud, de l’aide étrangère en santé et de la verticalité des programmes.
“Alors que les populations sont mises en danger par l’arrêt brutal d’une aide bilatérale et sont soumises au bon vouloir d’une administration lointaine, la critique est légitime. Mais la levée, du jour au lendemain et sans alternative, de ressources dont dépend la survie des millions de personnes n’est ni un pas vers la résilience des systèmes de santé, ni un renforcement de la souveraineté sanitaire, bien au contraire.“ déclare le Professeur Mehdi Karkouri, Président de Coalition PLUS.
L’urgence de l’investissement des Etats dans leurs propres systèmes de santé s’impose, mais ne peut se poser seule. Elle implique d’examiner de près les dynamiques coloniales toujours en œuvre dans les pays du Sud et l’extraction des richesses vers le Nord.
On estime par exemple que l’appropriation nette par le Nord de la main-d’œuvre et des ressources du Sud dépasse de 30 fois l’aide publique au développement (APD).
Investir dans des solutions pérennes pour la santé
Des alternatives politiques sont possibles, par exemple par la levée systématique des barrières de propriété intellectuelle qui empêchent la production de médicaments essentiels à moindre prix, et la suppression du fardeau de la dette pour un meilleur investissement domestique dans les systèmes de santé.
Sans actions en ce sens, la suppression des aides internationales est une condamnation à mort pour les centaines de millions de personnes qui en dépendent.
Il y a 25 ans, la déclaration d’Abuja plaidait pour l’allocation de 15% des budgets nationaux à la santé. En tant que réseau mondial d’organisations communautaires, Coalition PLUS partage toujours cette ambition, mais aussi celle d’une plus grande solidarité internationale, pour voir un jour la fin de l’épidémie de VIH/sida.
À propos de Coalition PLUSUnion internationale d’ONG communautaires de lutte contre le sida et les hépatites virales fondée en 2008, Coalition PLUS regroupe actuellement une centaine d’organisations intervenant dans 53 pays. Coalition PLUS a pour objectif de renforcer les capacités de ses membres et partenaires, de mener des actions de recherche communautaire, de plaidoyer, tout en organisant des espaces privilégiés de partage de connaissances et d’expertise. L’association milite pour que les personnes infectées, affectées ou particulièrement vulnérables au VIH et au VHC soient systématiquement placées au cœur des processus décisionnels, de réalisation et d’évaluation des programmes de santé qui les concernent. |
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