Tout comprendre sur le Fonds mondial : décryptage d’Ines Alaoui

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En octobre 2025 aura lieu la 8e reconstitution du Fonds mondial pour le VIH, la tuberculose et le paludisme, et dans un contexte où le financement de la santé mondiale est déjà  mis à mal par l’administration américaine, nous avons voulu faire le point avec Ines Alaoui, responsable des politiques internationales de santé à Coalition PLUS. 
A l’occasion de la parution du sondage Viavoice pour AIDES et Coalition PLUS “Enquête d’opinion sur le financement de la santé mondiale et de la lutte contre le VIH”, elle répond à nos questions.

Q : Ines Alaoui, pouvez-vous nous présenter le Fonds mondial et expliquer à quoi il sert ?

Inès Alaoui : Le Fonds mondial de lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme est un partenariat international créé en 2002 pour financer des programmes de prévention et de traitement dans les pays les plus touchés. Il réunit gouvernements, communautés et secteur privé pour éradiquer ces trois maladies. Pour sa huitième reconstitution des ressources, il appelle les pays contributeurs (USA, France, Allemagne, Japon…) à mobiliser 18 milliards de dollars dans le but de sauver 23 millions de vies, réduire drastiquement la mortalité liée à ces maladies – de l’ordre de 64% d’ici 2029 – et de bâtir des systèmes de santé plus résilients et équitables. Depuis 2002, le Fonds mondial a investi près de 67 milliards de dollars dans plus de 100 pays, permettant de sauver environ 65 millions de vies et de transformer durablement les réponses nationales aux épidémies. Au cours des deux dernières décennies, dans les pays où le Fonds mondial investit, les nouvelles infections à VIH ont diminué de 61% tandis que le nombre de décès liés au sida a chuté de 73%. Cette mobilisation combine l’expertise des gouvernements, du secteur privé et des communautés, garantissant une utilisation efficace des financements et une réponse adaptée aux besoins sur le terrain.

Q : Pourquoi est-il crucial que la France participe pleinement à la reconstitution des ressources du Fonds mondial ?

Inès Alaoui : L’impact du Fonds mondial est incontestable. Il a permis, par exemple, de réduire de manière significative le taux de mortalité combiné des trois maladies et de freiner l’incidence des infections. Grâce à ses investissements, le Fonds mondial a non seulement amélioré les soins et la prévention dans des contextes très fragiles, mais a également généré d’importants retours économiques – chaque dollar investi rapporte en moyenne 19 dollars de bénéfices en santé. Ce succès repose sur une approche partenariale alliant innovation, équité et efficacité, qui a renforcé la sécurité sanitaire mondiale. La France a une longue tradition de solidarité internationale, en particulier dans la lutte contre le VIH/sida. Aujourd’hui, face à l’arrêt des financements américains – qui menace de provoquer des millions de morts et un recul des acquis historiques – il est essentiel que la France prenne les devants et maintienne son engagement. Renforcer les contributions, c’est garantir que les progrès réalisés depuis vingt ans ne s’effondrent pas et que des millions de vies soient protégées.

Q : Quels sont, selon vous, les impacts concrets de cet investissement sur la santé mondiale ?

Inès Alaoui : Investir dans le Fonds mondial, c’est avant tout soutenir des programmes de prévention, de traitement et de recherche qui protègent la santé de tous et toutes. Les Français le savent : 9 sur 10 estiment que ce type d’investissement contribue à éviter la propagation des grandes pandémies et à améliorer la qualité des soins dans les pays en développement. Et ils ont raison : chaque euro investi rapporte largement en termes de bénéfices économiques et sociaux.

Q : La récente enquête d’opinion révèle que 85 % des Français considèrent que la lutte contre le VIH/sida doit être une priorité de santé publique au niveau mondial. Que faut-il y voir ?

Inès Alaoui : Ces résultats montrent une importante mobilisation citoyenne. Près de 8 Français sur 10 pensent que la France doit jouer un rôle majeur sur la scène internationale. Cela confirme que l’opinion publique française attend de ses dirigeants un engagement sans faille, non seulement pour protéger les populations vulnérables dans le Sud global, mais également pour prévenir une éventuelle recrudescence de l’épidémie en France.

Q : Au-delà des impératifs sanitaires, quels enjeux économiques et stratégiques soulignent la nécessité de cet investissement ?

Inès Alaoui : Investir dans la santé mondiale, c’est également agir pour la pérennité des systèmes de santé. Chaque euro investi génère jusqu’à 19 euros de bénéfices économiques, en évitant des surcoûts futurs liés à une prise en charge de crises sanitaires majeures. La santé n’est pas seulement un bien social, c’est un pilier de notre sécurité collective.

Q : Quel message souhaiteriez-vous adresser aux décideurs politiques français à l’approche de la conférence de reconstitution du Fonds mondial ?

Inès Alaoui : Il est impératif que le Président de la République et le gouvernement réaffirment sans délai l’engagement français dans la lutte contre le VIH/sida, la tuberculose et le paludisme. Face aux enjeux de sécurité sanitaire et aux attentes de la population – comme le montre le sondage – la France doit annoncer une hausse de sa contribution au Fonds mondial. C’est une question de crédibilité, de responsabilité et de solidarité internationale.

Q : Quel message souhaiteriez-vous adresser à l’occasion de la Journée mondiale de la santé ?

Inès Alaoui : Je souhaite rappeler que la santé est un droit fondamental et que la coopération internationale est notre meilleure réponse face aux défis sanitaires. En soutenant le Fonds mondial, les États affirment leur engagement en faveur de la justice sociale et de la dignité humaine. Chaque contribution compte pour construire un monde plus résilient et équitable.

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