Dès l’aube, leur téléphone en main, leurs doigts défilent sur Whatsapp, Instagram ou encore Snapchat. Ils ne sont pas en train de scroller leur fil d’actualité, mais ils prennent contact avec de potentiels de personnes à accompagner. Grâce aux réseaux sociaux, ils fixent un premier rendez-vous et les rassurent avant de les inviter à se rendre dans l’une des cliniques communautaires de l’ANCS au Sénégal.
Ici, les cliniques mobiles vont à la rencontre des populations qui, souvent, n’ont pas accès aux structures de santé classiques. Dans des zones densément peuplées, marquées par la précarité, les risques de transmission du VIH sont plus élevés. Et pour beaucoup, franchir la porte d’un centre de santé reste lourd : la peur du regard, du jugement, ou de paroles blessantes les dissuade.
Dans ces cliniques communautaires, une équipe pluridisciplinaire agit avec un objectif commun : créer un climat de confiance, pour permettre à celles et ceux qui n’ont jamais osé se faire dépister, pour accompagner un résultat positif, pour suivre une grossesse, ou encore pour proposer une prévention adaptée, comme la PrEP. Découvrez les visages de celles et ceux qui luttent contre le VIH au quotidien.
« Le principe des cliniques communautaires, c’est d’aller vers les gens. Dans le système de santé habituel, c’est le malade qui se déplace. Nous, on inverse la logique », explique le Dr Dominique Sambou, médecin clinicien et coordinateur des cliniques communautaires au Sénégal.
Dr Dominque Sambou

Les pairs éducateurs-ices : premier maillon de la chaîne de santé communautaire

Les pairs éducateurs-ices sont les premiers-ères intervenants-es de terrain, directement issus-es des groupes les plus touchés par l’épidémie de VIH, ils assurent le continuum des soins, allant de la prévention au suivi des personnes.
« Notre rôle, c’est de faciliter le lien avec les structures de soin. On accompagne surtout les personnes perdues, celles qui ne savent pas vers qui se tourner. On les rassure, on les oriente, on les aide à faire ce premier pas », explique Moussa Badiana, pair éducateur à Ndorong.
Moussa Badiana

Fodé Seydi, lui, travaille à l’hôpital de Kaolack. Il a 30 ans, et depuis 2018, il arpente les rues et les quartiers.
« On va là où personne ne va. Mais ce n’est pas toujours simple. Sur le terrain, on peut se faire agresser, menacer… Il m’est arrivé d’être contrôlé par les forces de l’ordre, simplement parce que j’étais dehors à une heure “interdite”. Pourtant, c’est justement à ce moment-là que je peux rencontrer ceux qui ont véritablement besoin de nous. »
Fodé Seydi

Mario, lui, a commencé son engagement à 18 ans. À l’époque, il n’avait pas encore le titre de pair éducateur mais il avait déjà cette volonté de participer à l’effort collectif de mettre fin au VIH.
« J’ai commencé à l’hôpital. Petit à petit, j’ai été formé, accompagné. Aujourd’hui, j’informe sur la prévention, j’explique ce qu’est la PrEP, ce médicament qui protège du VIH. Mais je ne fais pas que parler de santé. Parfois, je suis la première personne à qui quelqu’un confie ses peurs, ses blessures, ses doutes. Alors je les écoute. Et si besoin, je les oriente vers un psychologue. L’essentiel, c’est qu’ils se sentent en sécurité, qu’ils comprennent qu’ici, ils ne seront jamais jugés. »
Mario
L’engagement des sage-femmes au service de la santé des femmes en milieu communautaire
Elles sont là à chaque étape. Dans les cliniques communautaires, aux côtés des médecins, des biologistes et des pairs éducateurs, les sage-femmes jouent un rôle central pour la santé des femmes. Elles accueillent, écoutent, accompagnent — bien au-delà de la seule maternité.
« Ce sont les pairs éducateurs qui orientent les patientes vers nous », explique Seynabou Soumaré Fall, sage-femme dans une clinique mobile.
Seynabou Soumaré Fall
« J’y réalise des consultations générales, gynécologiques, prénatales, postnatales, ainsi que de la planification familiale. Mais avant tout, je prends le temps de parler avec chaque personne, comprendre ce qui l’amène et ce dont elle a besoin. »
Seynabou Soumaré Fall

Ici, pas de discrimination, l’objectif est de lever toutes les barrières. L’approche communautaire repose sur un principe simple : accueillir chaque patiente sans jugement, et surtout pas sur un ton paternaliste.
« Les personnes vivant avec le VIH sont reçues comme toutes les autres. Il n’y a pas de différence. Il ne doit pas y en avoir », insiste Seynabou. « Si une personne vient demander la PrEP, je l’oriente. On propose un test de dépistage VIH et syphilis. Si c’est positif, on établit immédiatement le lien avec le laboratoire du district. Et si c’est confirmé, on commence le traitement antirétroviral. Sans attendre. »
Seynabou Soumaré Fall
À Thiaroye, Aminata Diéne est également sage-femme au sein de la clinique communautaire. Elle connaît les visages et les histoires de celles qui sont suivies parfois sur plusieurs mois.
Mais dans ces cliniques communautaires, il n’y a pas de salle d’accouchement.
« Officiellement, je ne peux pas donner naissance à un enfant ici. Alors quand une femme que j’ai suivie arrive à son terme, elle m’appelle dès qu’elle sent que le travail a commencé. »
Aminata Diéné

Et là, tout s’enchaîne.
« Je la rejoins et je vérifie que le travail est bien entamé. Si c’est le cas, je monte dans un taxi avec elle, direction le poste de santé le plus proche. Et une fois sur place, je reste. Je ne la laisse pas. Je procède à l’accouchement moi-même. Puis, je retourne à la clinique, pour continuer mes consultations. »
Aminata Diéné
L’analyse biologique, garante de la fiabilité des diagnostics
Dans les cliniques communautaires, le rôle des biologistes est essentiel pour garantir la fiabilité des résultats. Lorsqu’un test rapide VIH revient positif, une confirmation en laboratoire est nécessaire avant d’initier un traitement.
À Kaolack, Souadou Dia est analyste biologiste. Elle travaille au sein de la clinique communautaire et est chargée des vérifications indispensables avant tout diagnostic confirmé.
« Lorsqu’une personne est dépistée positive [via un test rapide], nous devons systématiquement confirmer le résultat en laboratoire avant de commencer un traitement antirétroviral », explique-t-elle.
Souadou Dia
Son travail ne se limite pas à la confirmation des tests positifs au VIH. Elle intervient également lors de la mise sous PrEP.
« Pour pouvoir débuter la PrEP, il faut s’assurer que la personne n’est pas déjà porteuse du VIH. On réalise aussi des tests pour les hépatites et la syphilis », précise-t-elle.
Souadou Dia

Souadou passe la majorité de son temps dans le laboratoire de la clinique, mais il lui arrive aussi d’intervenir sur le terrain.
« Dans certains cas, je me rends auprès des personnes qui ne peuvent pas venir jusqu’à nous, pour effectuer les prélèvements sur place. »
Souadou Dia
Son rôle contribue directement à l’efficacité des soins, en permettant une prise en charge rapide, adaptée et fiable des patients.
Chaque jour, dans les cliniques communautaires, une équipe pluridisciplinaire agit auprès des populations délaissées par le système de santé classique. Pairs éducateurs-ices, sages-femmes, biologistes, médecins travaillent main dans la main pour réduire les nouvelles infections au VIH et permettre à chacun-e d’accéder à des soins de qualité, sans jugement.
En allant vers les populations les plus exposées, les cliniques communautaires participent à une transformation concrète et durable de la réponse au VIH au Sénégal. Une approche humaine, de proximité, qui fait la différence là où elle est le plus nécessaire.
En soutenant ces équipes, vous permettez à des milliers de personnes d’accéder à un soin bienveillant, humain, sans jugement.