Un steward devenu figure emblématique de la lutte contre le VIH à Maurice : Nicolas Ritter

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Avez-vous déjà entendu parler de Nicolas Ritter ? Si vous êtes mauricien-ne, la réponse est probablement : oui. Nicolas a été la première personne sur l’île à révéler publiquement vivre avec le VIH. Par ailleurs, il y a fondé la première association locale de lutte contre le VIH : PILS (Prévention, Information et Lutte contre le VIH/sida). Mais connaissez-vous l’histoire de ce steward qui est devenu Chevalier de l’Ordre National du Mérite ?

Nicolas Ritter

L’avant

Nicolas naît au Nigeria, en pleine guerre du Biafra, d’un père mauricien et d’une mère française. A l’âge d’un an et demi, il retourne avec sa famille à l’île Maurice où il grandit entouré de ses trois frères. Il suit une scolarité normale et, peu à peu, prend conscience de sa sexualité. A l’époque, ce n’est pas simple car il y a peu de modèles ou d’associations actives sur l’île. Après l’obtention de son bac en 1988, il décide de s’expatrier en Europe pour être enfin lui-même. Cependant, le choc culturel est trop brutal et il décide de retourner à Maurice, où il suit les traces de son père en rejoignant le secteur du tourisme et devient steward chez Air Mauritius.

« C’est un vrai luxe de pouvoir voyager quand on habite sur une petite île au milieu de l’Océan indien. J’ai adoré mes années de Steward à Air Mauritius. J’ai adoré me gaver de tout ce que l’Île Maurice ne pouvait m’offrir tant au niveau de l’offre culturelle, que pour la fête. J’ai rencontré des gens formidables et je suis tombé amoureux plus d’une fois ».

Lors de ses nombreux voyages, particulièrement en Europe et dans les hauts lieux de vie LGBT, Nicolas est sensibilisé à la question du VIH/sida grâce aux nombreuses brochures et campagnes associatives. Au début des années 90, il rencontre un jeune homme lors d’un déplacement. Ils entament alors une relation à distance. Peu de temps avant de le rejoindre, Nicolas prend la décision de faire un test VIH.

« C’était la première fois que je me faisais dépister. J’y suis allé la fleur au fusil, sensibilisé, mais pas en me disant qu’il n’y avait aucun risque parce que des risques, j’en ai pris comme tout le monde. Je n’avais pas eu de rapport durant les derniers mois. Donc, je me suis dit que c’était le bon moment de faire ce test avant d’aller rejoindre mon amoureux. Et je suis allé faire mon test. J’y suis allé de manière totalement volontaire. Je n’étais pas malade, je n’avais pas de symptômes particuliers ».

C’est au téléphone, dans la cabine téléphonique de l’aéroport, que Nicolas apprend que son test est positif. L’annonce de sa séropositivité marquera un tournant majeur dans sa vie.

« J’ai immédiatement réalisé qu’il y allait avoir un avant et un après. Je me rappelle marcher dans les rues de ma ville avec cette impression que c’était inscrit sur mon visage, que les gens voyaient que j’étais séropo! ».

L’après

Nicolas en fait part très rapidement à ses amis, d’abord et à sa famille, ensuite. Ses parents s’inquiètent, lui posent des questions mais surtout, le rassurent. Ils lui disent qu’il n’a rien à craindre et qu’ils seront toujours là pour lui.

À Maurice, le médecin qui l’a dépisté lui conseille de quitter l’île car les soins médicaux dédiés aux personnes vivant avec le VIH sont inexistants à cette époque. Grâce à son double passeport franco-mauricien, il peut se rendre à la Réunion pour recevoir les soins nécessaires. Là, il rencontre la Dr Catherine Gaud :

« Je me souviens de cette femme dont on m’avait parlé. Elle était élégante, belle et sans blouse blanche. Elle nous accueillait en faisant la bise. Directement, elle m’a mis à l’aise avec des discours rassurants, plein d’amour et d’écoute. Elle m’a immédiatement parlé de prise en charge globale, que des molécules très prometteuses étaient en test et que tout irait bien ».

Nicolas Ritter 2010

Sur les conseils du Dr. Gaud et avec le soutien de sa famille, il part s’installer à la Réunion pour accéder à des traitements adéquats. En mars 1995, Nicolas commence l’AZT, le premier antirétroviral aux effets indésirables éprouvants. Avant de partir à la Réunion, il prend un engagement envers lui-même : créer une association de lutte contre le VIH à Maurice. Il est alors inspiré par l’association RIVE (Réunion Immunodéprimés Vivre et Écouter) à la Réunion, fondée par Adrien, un jeune homme très malade qui l’a profondément marqué lors de sa première visite chez le Dr Gaud. 

A la Réunion, Nicolas s’engage alors comme militant au sein de RIVE. Il suit de nombreuses formations, se renseigne sur la maladie et renforce son militantisme. Après ces moments forts et intenses, son chemin de vie semble tout tracé :

« J’étais enfin sûr de savoir ce que je voulais faire : monter une association de lutte contre le VIH à Maurice. Si c’est pour mourir, autant mourir chez moi ».

En 1996, Nicolas avec l’appui de plusieurs de ses proches, amis et famille, crée PILS pour Prévention Information et Lutte contre le SIDA. Il sonde les forces vives locales, notamment le vice-Premier ministre M. Paul Béranger et le prêtre local, qui l’encouragent à aller de l’avant. Avec l’arrivée des premiers traitements réellement efficaces en 1996, l’espoir renaît mais le combat reste plus que jamais crucial pour rendre les traitements accessibles à tous et toutes dans une île remplie de préjugés et de tabous.

Aujourd’hui, PILS est une association de premier plan à Maurice et pionnière à plusieurs niveaux. Depuis septembre 2022, la PrEP est disponible dans son nouveau centre de santé