Enquête : mieux comprendre l’intérêt et les barrières d’accès à la PrEP pour les femmes les plus exposées au VIH dans 3 pays africains

Alors que le sida reste la première cause de mortalité pour les femmes de 15 à 49 ans dans le monde, elles ont encore peu accès à la PrEP (prophylaxie pré-exposition). Pourtant, ce traitement préventif du VIH est recommandé par l’OMS pour toutes les personnes à haut risque d’infection. Pour mieux comprendre l’intérêt et les barrières d’accès à la PrEP chez les femmes, Coalition PLUS a lancé en février 2021 une enquête dans trois pays africains, dans le cadre d’un projet multi-pays soutenu par l’Initiative.

Mali, Maroc, Maurice : un projet multi-pays pour comprendre et lever les barrières d’accès à la PrEP pour les femmes 

Recruter 1250 femmes en un mois dans 5 villes au Mali, au Maroc et à Maurice. C’est la mission des 35 militants-tes du réseau Coalition PLUS, mobilisés-es dans le cadre du projet multi-pays PrEP Femmes. Depuis le 15 février 2021, ils et elles accueillent des femmes, issues des populations les plus vulnérables au VIH, au sein de trois associations membres de Coalition PLUS. Objectif : évaluer leur intérêt pour la PrEP et identifier les barrières d’accès à ce traitement préventif du VIH, à travers une étude qualitative et quantitative.

Cette enquête n’est en réalité que l’aboutissement de la première phase du projet. Dans un second temps, les données recueillies permettront de mieux défendre auprès des pouvoirs publics l’accès à la PrEP pour les femmes à haut risque d’infection par le VIH. Enfin, la troisième phase du projet vise à mettre en place tous les services nécessaires pour permettre à ces femmes d’accéder effectivement à la PrEP. Cela inclut la délivrance du traitement au sein des trois associations concernées. 

Porté par l’ALCS, membre de Coalition PLUS au Maroc, PrEP Femmes implique également deux autres membres du réseau : ARCAD Santé PLUS au Mali et PILS à Maurice. De la recherche de financements à la mise en œuvre sur le terrain, le Secrétariat de Coalition PLUS accompagne chaque étape du projet.

PrEP Femmes montre bien la plus-value de Coalition PLUS, explique Rime Barrakad, coordinatrice du projet au sein de l’ALCS. Bien que nos contextes et nos populations cibles soient différents d’un pays à un autre, la coordination mise en place au sein du comité de pilotage du projet nous a permis de mutualiser nos connaissances et nos bonnes pratiques.”

Inégalités de genre, marginalisation : les femmes à haut risque d’infection par le VIH cumulent les vulnérabilités 

En raison de facteurs biologiques, mais surtout à cause des inégalités de genre persistantes, les femmes sont vulnérables face au VIH. Ainsi, en 2019, les femmes et les filles représentaient jusqu’à 59% des nouvelles infections en Afrique subsaharienne. Le sida reste également la première cause de mortalité pour les femmes de 15 à 49 ans dans le monde. 

Mais chez les femmes transgenres, travailleuses du sexe ou utilisatrices de drogues injectables, les vulnérabilités s’accumulent. En effet, souvent stigmatisées et discriminées, elles sont confrontées à des difficultés spécifiques d’accès aux services de dépistage, de prévention et de soins. A Maurice, Kendra, usagère des services de PILS, témoigne de son expérience douloureuse avec les centres de santé : “Je me suis toujours sentie rejetée et mise à l’écart par ce système. J’avais honte de demander des informations”. 

La PrEP, un outil de prévention efficace pour permettre aux femmes de prendre le contrôle de leur santé

Pour toutes les femmes exposées à un risque élevé d’infection par le VIH, la PrEP peut être une stratégie de prévention efficace et adaptée, comme le montre une étude conduite aux abords du lac Victoria, en Afrique de l’Est. La PrEP a évité les trois quarts des infections au VIH dans les populations les plus à risque, avec une réduction record de 76% des nouveaux cas chez les femmes.

Au-delà de ses bénéfices incontestables pour la santé publique, les premières concernées confirment l’intérêt de la PrEP à un niveau plus personnel. Alicia prend la PrEP dans le cadre d’une étude clinique conduite par ARCAD Santé PLUS. Elle bénéficie d’un suivi trimestriel par les médecins de la clinique des Halles et d’un accompagnement personnalisé par des pairs-es. Pour elle, c’est “la méthode qui [lui] convient le mieux”, tout en lui permettant “de faire le point sur sa santé sexuelle”. 

Même son de cloche chez Sophie, spa thérapeute à Maurice. Elle qui affirme avoir “toujours eu horreur des préservatifs” a rapidement été convaincue que “la PrEP était la meilleure solution pour [elle] contre le VIH”. Elle la prend depuis deux ans déjà et note les avantages de cet outil de prévention : “Grâce à la PrEP, j’ai une meilleure sexualité et je me sens plus épanouie. Me savoir et me sentir protégée me procure un sentiment de bien-être”

PrEP : un déploiement laborieux auprès des femmes les plus exposées aux risques d’infection par le VIH

Malgré ses avantages, la PrEP peine à se faire une place parmi les options de prévention accessibles pour les femmes. De manière générale, la diffusion de ce traitement préventif du VIH s’avère plus lente que prévue. En 2020, 1 million de personnes dans le monde avait adopté la PrEP. Soit seulement le tiers de l’objectif fixé par l’ONUSIDA

Et les femmes semblent être à la traîne. Par exemple, en Europe et en Asie centrale, les données disponibles permettent d’estimer que seuls 10% des personnes qui prennent la PrEP sont des femmes. Amal Ben Moussa, Responsable Recherche communautaire à l’ALCS, confirme :  “Même si la PrEP est disponible gratuitement dans notre pays, y compris pour les femmes, elles n’y ont que très rarement recours. A fin décembre 2020, il y avait ainsi 201 femmes sous PrEP au Maroc”.

Pourtant, l’attente est là. Travailleuse du sexe à Bamako, Alima regrette que sa communauté soit pour l’heure “exclue de l’accès à cet outil de prévention”. Au-delà du traitement préventif en lui-même, elle est aussi intéressée par le suivi médical régulier qu’implique la prise de PrEP.

Hayat, conseillère communautaire à l’ALCS, espère que le projet PrEP Femmes permettra de répondre aux besoins exprimés par les femmes. Représentante des travailleuses du sexe au sein des instances de coordination du Fonds mondial, elle se tient prête à plaider en faveur de la « généralisation de la PrEP au Maroc« . « Remonter les problèmes de ma communauté en haut lieu, c’est mon devoir« , conclut-elle.

Les femmes les plus exposées aux risques d’infection par le VIH veulent pouvoir choisir leur prévention !

Pour élargir l’accès à la PrEP pour les femmes, mobilisez-vous à nos côtés : téléchargez et partagez les visuels de notre campagne “Prévention VIH : #MonCorpsMesChoix” !

Prévention VIH : mon corps, mes choix ! Illustration – Crédit : ALCS, Maroc, 2021
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