Dépistage : les communautaires font la différence !

A l’occasion de la 2è édition de la Semaine internationale du dépistage, Coalition PLUS et ses 49 membres et partenaires participant à l’opération lancent un appel pour la reconnaissance du statut des agents de santé communautaire (ASC), y compris les pairs-es éducateurs-rices. En effet, ces personnes issues des communautés les plus vulnérables au VIH jouent un rôle indispensable dans l’atteinte des objectifs d’élimination de l’épidémie d’ici 2030.

Le dépistage, porte d’entrée dans le parcours de soin

Le dépistage, puisque c’est de lui qu’il s’agit, reste sans aucun doute la porte d’entrée dans le parcours de soin. Alors que certains pays ont atteint des taux de diagnostic de l’infection assez élevés, plusieurs pays enregistrent un retard important et sont toujours à la traîne. La plupart des personnes infectées demeurent confrontées à des obstacles d’ordres socio-culturels, structurels voire légaux, dans l’accès aux soins. Parmi elles, les populations clés qui sont particulièrement affectées, se heurtent constamment aux manques de stratégies de dépistage et de rétention ciblées, répondant à leurs besoins spécifiques.

Dans une perspective de combler ce fossé, la délégation des tâches vers les acteurs communautaires s’avère être une solution. Elle propose une offre de services conçue avec les communautés elles-mêmes, qui répond aux obstacles rencontrés par les groupes marginalisés dans leur recherche de soins. La délégation des tâches est bâtie sur une stratégie de proximité développée auprès des groupes cibles aux séro-prévalences les plus fortes au VIH à travers un réseau de pairs mobilisateurs, éducateurs, animateurs, conseillers psycho-sociaux ou encore médiateurs sur le terrain ou au sein de centres de soins offrant des services différenciés. Elle est sans nul doute une voie de choix, notamment dans toutes les zones où les infrastructures de soins sont défaillantes.

Semaine internationale du dépistage : visibiliser l’expertise communautaire

La semaine internationale du dépistage, visant à faciliter l’accès au dépistage et la mise sous traitement précoce des personnes qui constituent l’épidémie dynamique du VIH/Sida, des IST et des hépatites virales s’appuie également sur la stratégie mondiale des 3X95 pour mettre fin à l’épidémie du VIH/Sida. Elle se veut également un outil de visibilité de l’expertise communautaire et des nouveaux systèmes facilitant l’accès au dépistage.

Les systèmes de santé publics ont montré leurs limites dans la riposte au VIH. Les prestataires de santé classiques, agents publics, n’ont souvent pas le savoir-faire nécessaire à la prise en charge de populations répondant à des codes propres dans un climat de confiance et de non-jugement. Le manque de ressources humaines, les insuffisances du plateau technique, les ressources financières restreintes ou encore l’absence de services spécifiques ne permettent pas à la pyramide sanitaire conventionnelle de pleinement jouer son rôle dans la lutte contre le sida.

Le dépistage communautaire est une solution

Hélas, nous sommes confrontés à encore trop d’idées reçues encore sur les capacités des acteurs communautaires. Pourtant, la fiabilité du dépistage proposé par les pairs est soumise au même mécanisme d’assurance qualité que le dépistage proposé en milieu clas- sique. Sa mise en place s’accompagne d’un cadre de formation, de qualité et d’évaluation continue tout aussi vigilant que celui mis en place en milieu conventionnel. Les preuves dé- montrent que les programmes et les politiques sur le déploiement du dépistage, produisent les résultats les plus importants lorsqu’ils sont mis en œuvre par les personnes concernées. C’est une vérité fondamentale qui place les travailleurs communautaires, particulièrement les pairs éducateurs au cœur de l’approche non-médicalisée du dépistage.

La reconnaissance d’un statut aux acteurs communautaires, particulièrement des Pairs Éducateurs, sonne dès lors comme une urgence. Elle viendrait en renforcement du système de santé et permettrait la multiplication des services, le désengorgement des centres de santé, une optimisation des ressources humaines et ainsi une meilleure qualité des services par l’allègement de la charge de travail des prestataires de santé publics.

Reconnaissance du statut des agents de santé communautaire : nos revendications

C’est compte tenu de toutes ces considérations, que nous, personnes séropositives, séro-concernées, activistes, travailleurs communautaires, médecins, infirmier.ère.s, unis au sein de Coalition PLUS demandons :

Aux autorités nationales, tous secteurs confondus :

  • D’intégrer les acteurs communautaires dans l’organigramme de la pyramide sanitaire ;
  • De travailler étroitement avec les OBC pour la mise en place d’un cursus de formation vers une certification ;
  • De définir un référentiel national d’intervention des acteurs communautaires à toutes les étapes du parcours de soin (certification – statut professionnel – cadre d’intervention – sécurité des intervenants) ;
  • De garantir un régime de protection sociale aux acteurs communautaires dans le prolongement de la reconnaissance du statut professionnel.

A l’OMS :

  • De vulgariser et promouvoir les directives sur le dépistage communautaire élaborées en 2015 auprès des responsables des programmes nationaux VIH, des organisations de la société civile et des leaders communautaires dans les pays.

A l’ONUSIDA :

  • De plaider pour l’intégration des acteurs communautaires à l’organigramme de la pyramide sanitaire ;
  • D’encourager dans ses positionnements, discours et publications, la mobilisation des acteurs communautaires en associations et réseaux pour une visibilité accrue de leur contribution à la fin de l’épidémie ;
  • De plaider pour l’intégration systématique du dépistage communautaire démédicalisé dans les directives nationales de riposte au VIH et les demandes de financement au Fonds Mondial ;
  • De produire des rapports valorisants sur les agents de santé communautaires, sur la promotion du dépistage communautaire, sur l’intérêt de l’autotest et de l’implication communautaire.

Au PEPFAR :

  • De consacrer une large part de son soutien financier bilatéral, à travers les COP, à l’opérationnalisation à grande échelle du dépistage communautaire ;
  • D’augmenter significativement les allocations destinées au financement du travail aux pairs éducateurs intervenant sur des sites PEPFAR et soutenir un alignement des autres Partenaires techniques et financiers.

Aux organisations à base communautaire :

  • De veiller à l’actualisation des formations reçues et des modules de formation à délivrer pour garantir la qualité des actes médicalisés réalisés par les acteurs communautaires ;
  • De documenter systématiquement le travail des acteurs communautaires sur le terrain et au sein des sites communautaires en alignement des exigences des partenaires techniques et financiers et dans une logique de visibilité auprès de l’ensemble des intervenants dans la lutte contre le sida ;
  • De veiller à la capitalisation des résultats du dépistage communautaires et des autres actes démédicalisés.

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